Revue des commissaires de justice pratique & perspectives – N° XXX – date
L'équilibre entre les droits du créancier et la protection du débiteur - Natalie FRICERO
L'articulation entre le droit à l'exécution des créanciers et la protection des débiteurs apparaît comme une préoccupation essentielle du droit français de l'exécution des décisions civiles, tel que nous le connaissons aujourd'hui, issu des réformes initiées par la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution puis de celles résultant de l'ordonnance n°2011-1895 du 19 décembre 2011 et de son décret d'application, textes qui ont codifié le Code des procédures civiles d'exécution.
Les travaux préparatoires de ces textes témoignent de la volonté du législateur de rechercher un équilibre entre les droits légitimes du créancier et ceux du débiteur. Cette notion d'équilibre se fil conducteur de mon exposé.
Cet équilibre entre les droits du créancier et la protection du débiteur a ainsi été d'abord recherché tant par le législateur que par le juge (I), puis consacré par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (II). Est-il aujourd'hui bouleversé, notamment dans le domaine de la protection du consommateur contre les clauses abusives, par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et celle de la Cour de cassation (III) ? Tels sont les différents points que j'abordrai dans mon exposé.
I) Un équilibre recherché entre les droits du créancier et la protection du débiteur
C'est avec la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 que le droit français de l'exécution des décisions civiles a amorcé son véritable aggiornamento: non seulement l'exécution des décisions judiciaires dans l'huissier de justice, devenu aujourd'hui commissaire de justice, se voit attribuer un rôle central. Le juge ne connaît plus de l'ensemble des procédures d'exécution, il est compétent pour les incidents qui peuvent se susciter. Il peut ainsi intervenir tout au long de la procédure de l'exécution civile, au cours de laquelle créanciers et débiteurs disposent de «fenêtres juridictionnelles». Mais, au-delà de cette déjudiciarisation, le législateur a recherché un équilibre entre les droits du créancier et la protection du débiteur (A).
Au centre de ce dispositif juridictionnel, se trouve un juge spécialisé, le juge de l'exécution, qui tranche les contestations formées par le débiteur et les incidents soulevés par le créancier (B).
